Il y a des jeux comme ça auxquels j’ai pu jouer durant mon enfance / adolescence – très souvent avec mon ami Damien – et que je n’ai jamais finis. The Lost Files of Sherlock Holmes fait, vous l’aurez compris, partie de ces madeleines de Proust. Près de 30 ans après l’avoir débuté, je peux enfin affirmer que celui-ci est désormais bouclé. A l’époque, nous y avions joué sur le 386 SX 33 de Damien, j’avais encore un 286 SX 12 qui ne correspondait même pas à la configuration minimale.
Un pitch digne des meilleurs polars
Une jeune actrice, Sarah Carroway, est brutalement assassinée derrière le Regency Theatre dans le quartier londonien de Mayfair. L’ombre de Jack l’Eventreur de White Chapel rôde sur ce crime et notre cher Sherlock Holmes accompagné de son fidèle Dr Watson viennent épauler l’inspecteur Lestrade de Scotland Yard. Un assassinat plus complexe qu’il n’y paraît car la victime a été tuée via un mode opératoire différent de celui du célèbre tueur en série britannique. En effet, cette fois-ci on parle d’un scalpel dentelé plutôt que d’un traditionnel couteau. C’est ainsi que le pitch du jeu nous est livré pour cette aventure se déroulant en Novembre 1888, en plein cœur d’un Londres forcément Victorien. L’introduction de toute beauté retranscrit parfaitement ces jeux typiques des années 90 alternant plans rapprochés et mise en scène cinématographique. A déguster ci-dessous :
Développé par Mythos Software en charge de deux titres Sherlock Holmes (celui-ci et la Rose Tatouée) et ensuite de deux jeux éducatifs. Il fut publié, pendant l’âge d’or des jeux d’aventure (point’n’click) sur MS-DOS en 1992 par Electronic Arts avant d’être adapté sur 3DO. Cette version inclua des vidéos des personnages dans des petits encadrés, c’est kitsch à souhait et surtout beaucoup moins attachant que les pixelart de la version DOS. Une version CD-ROM PC vit également le jour mais avec très peu d’ajouts si ce n’est quelques voix digitalisées durant l’introduction et les dernières scènes du jeu mais rien justifiant de délaisser l’original. Il est vraiment dommage qu’à cette époque certaines versions CD-ROM ne proposaient que très peu d’ajouts en comparaison avec les versions disquettes… c’était malheureusement monnaie courante !
Sherlock Holmes et l’essence des Point’n’Click
Nous sommes donc face à un point’n’click qui est forcément accompagné d’un menu de verbes d’actions comme dans les premiers Monkey Island ou Maniac Mansion. L’histoire se déroule dans un univers fidèlement retranscrit (lieux, us et coutumes, ambiance…). La carte de Londres est représentée à la manière du plateau du célèbre jeu de société Scotland Yard. A chaque lieu important une icône descriptive. On se balade en calèche de lieu en lieu, que l’on débloque au fur et à mesure de l’histoire. On retrouve donc la Tamise, le zoo de Londres, Covent Gardien et son marché aux fleurs, Baker Street (la demeure de Sherlock Holmes), la gare de Saint Pancras, les Docks, un pub, la morgue, un terrain de rugby et divers échoppes traditionnelles… Bref, le Londres de Jack l’Éventreur et franchement c’est très plaisant à regarder.
Les graphismes en VGA sont plutôt réussis et assez colorés, un peu en deçà des jeux Westwood mais toujours agréables. Ce qui attire l’œil ce sont surtout les détails de chaque « tableau » et essentiellement leur diversité. Mention spéciale pour l’ambiance du pub avec son barman à qui il ne faut pas chercher des noises, ses pochtrons et son célèbre jeu de fléchettes. Je parlais de madeleine de Proust en introduction, on retrouve des similitudes avec le Londres que j’ai visité tant de fois dans ma jeunesse, tant ce pays conserva l’architecture de cette période si riche à leur histoire.
Une aventure de Sherlock Holmes à la fois simple et complexe
Grâce aux internets d’aujourd’hui, j’ai pu me procurer une version traduite en français jouable via DOSBox (merci Abandonware France). Je me souviens avoir galéré avec Damien pour comprendre l’anglais plutôt soutenu qui était utilisé dans les dialogues, assez complexe pour les deux jeunes collégiens que nous étions à l’époque. Et aujourd’hui, il faut dire que la facilité prend le dessus ^^ Un élément assez important du jeu n’est autre que le journal tenu par le Dr Watson comme à l’accoutumée avec ce personnage. Dès que vous parlez à un personnage, le script est aussitôt consigné dans ce journal ce qui permet de retrouver toutes les informations de l’aventure rapidement (surtout quand vous faites une pause, vie de quadragénaire oblige !).
L’histoire reste assez linéaire avec très peu d’énigmes complexes à résoudre surtout quand on l’habitude des jeux d’aventure. Comme souvent, il faudra chercher les petits pixels pour trouver certains objets ou encore se creuser quelque peu les méninges pour avancer dans l’enquête (notamment à la fin de l’aventure). Ensuite, dans l’ensemble, on fait rarement beaucoup d’allers retours entre les différents lieux tant les énigmes sont assez cohérentes à partir du moment où on déroule tous les dialogues avec les personnages et que l’on reste attentif à ce qui est dit. Enfin, nous sommes assez loin de certains passages capillotractés sortis des imaginations de Ron Gilbert ou Dave Grossman chez LucasArts (Monkey Island en tête). En prenant son temps et en n’utilisant aucune solution en ligne, il faut compter entre une dizaine / quinzaine d’heures pour arriver au bout de l’intrigue.
Une big box mettant en avant Sherlock !
Mythos Sofware n’étant pas particulièrement connus à cette époque (comparé à LucasArts ou Sierra), nous pouvions être en droit de nous demander si la qualité allait être au rendez-vous. Côté réalisation, vous l’aurez compris, The Lost Files of Sherlock Holmes jouit d’une réalisation fort honorable même si à l’heure de sa sortie, du très lourd allait quelque peu l’éclipser : Monkey Island 2, Legend of Kyrandia, Day of the Tentacle l’année suivante… L’artwork est signé John Jinks et a un petit côté « Art Déco » à la façon de la série des années 80 Hercule Poirot, l’autre célèbre détective, mais Belge cette fois-ci.
Collection oblige, voici un aperçu de la boîte et surtout de son contenu qui est assez intéressant avec ses 9 disquettes, la notice avec un Sherlock Holmes de profil en filigrane, le certificat de garantie et surtout le livret publicitaire d’Electronic Arts présentant les jeux venant de sortir et surtout ceux à venir.
Enfin, comme souvent à l’époque (sans internet) on se plongeait forcément dans les magazines tels que Joystick ou Generation 4 pour connaître les tenants et aboutissants des jeux que nous attendions. Un grand merci encore à Abandonware Magazines pour mettre à disposition cette mine d’or où j’ai donc pu retrouver à la fois la preview, le test et aussi les publications concernant les apports du CD-ROM et la version 3DO.
Élémentaire mon cher Watson aurait conclu Sherlock Holmes ?
En conclusion, je dirais que c’est Lost Files of Sherlock Holmes est un bon jeu, bien qu’il soit quand même loin du top 10 des meilleurs jeux d’aventures PC de l’époque. Une ambiance manifestement intéressante et remarquablement retranscrite en pixelart (les détails de Londres sont particulièrement intéressants). Une intrigue qui tient en haleine et surtout qui n’est pas forcément cousue de fil blanc, bien qu’elle ne soit pas non plus des plus complexes à résoudre. Nous sommes donc face à un titre à recommander chaudement pour les fans de point’n’click retro ou les fans du héros de Sir Arthur Conan Doyle désireux de découvrir une aventure originale à l’ensemble de l’œuvre littéraire. A noter également, qu’un autre épisode des « Fichiers Secrets » a vu le jour sur PC, je vous en parlerai peut être dans un prochain article.